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Quatrième étape de l’intégrale brucknérienne de Hansjörg Albrecht : la « Symphonie Wagner » à Munich
Le 18 décembre 2022 par Christophe Steyne - Crescendo Magazine
Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie 3 en ré mineur WAB 103 [version 1888-1889] ; Prélude symphonique en ut mineur pour orchestre WAB 297 [transcriptions Erwin Horn]. Johanna Doderer (*1969) : PINUS – Bruckner Fenster, Orgelversion der Orchesterfassung DWV 139. Hansjörg Albrecht, orgue de l’église St. Peter de Munich. Novembre 2021. Livret en allemand, anglais. TT 74’35. OEHMS Classics OC 479
Fidèle à son entreprise de relier le choix des orgues avec chaque symphonie (le précédent volume était enregistré à Londres où germa l’idée de la no 2), Hansjörg Albrecht a choisi les deux instruments de la Peterkirche de Munich, construits par la firme Klais en 2003 et 2011. C’est dans cette cité bavaroise que Bruckner assista à une représentation de Tristan und Isolde en juin 1865. Le Hauptorgel compte 57 jeux sur quatre claviers et pédalier (avec Untersatz et Contraposaune en 32’) et s’avère propice tant à la grandeur qu’à la suavité des registrations et à la richesse des dégradés (un copieux plan expressif au Schwellwerk) qui innervent les arrière-plans des deux premiers mouvements. Anches grondeuses aux points névralgiques, suggestivité des Flûtes et Principaux pour susciter les amples vasques misterioso : l’interprétation du Mehr langsam s’avère particulièrement réussie. Tout comme l’expression de la solennité et du lyrisme de l’Adagio. Transcription et exécution préservent la cohésion de l’architecture et du flux musical.
Entre danse macabre et réjouissance rustique, l’ambivalence du Scherzo apparaît tout aussi convaincante, même si la captation un peu distante modère les écrasantes saillies de la partition originale. Le choix de la tardive mouture de 1889 (édition Nowak de 1959, que suivirent Karl Böhm, Eugen Jochum, ou Herbert von Karajan dans leurs célèbres enregistrements pour Decca, Deutsche Grammophon, Emi) nous prive de la coda ajoutée en 1878, de même qu’elle expurge les allusions opératiques.
La lisibilité de l’orgue munichois nous vaut un Finale précisément tracé, conciliant rectitude rythmique et juste respiration, même si là encore un surcroît de densité, de puissance, aurait parachevé cette lecture. Laquelle nous semble toutefois la plus aboutie parmi les quatre symphonies gravées à ce stade par Hansjörg Albrecht. L’ample souffle de cet opus dont Richard Wagner accepta l’hommage en sort remarquablement valorisé par l’arrangement d’Erwin Horn et par cette prestation continument inspirée.
On saluera également l’interprétation du Prélude en ut mineur, dramatique et flamboyante. Comme dans les précédents maillons de cette intégrale en cours, le disque est complété par une création contemporaine, qui émane en l’occurrence de l’Autrichienne Johanna Doderer, auteur de plusieurs opéras et maintes pages de musique vocale qui cultivent un évident lien de genre avec le dédicataire de la symphonie au programme. On saisit une autre imparable connexion avec ce projet quand elle affirme : « j’ai été en contact avec Bruckner pendant longtemps, sa musique est en partie responsable de beaucoup de mes compositions. »
Son : 8 – Livret : 8 – Répertoire : 8-10 – Interprétation : 9,5
Premier volume d’une intégrale des symphonies de Bruckner transcrites à l’orgue
Le 7 décembre 2020 par Christophe Steyne - Crescendo Magazine
Anton Bruckner (1824-1896) : Ouverture en sol mineur WAB 98 ; Symphonie en ré mineur « nullte » WAB 100. Philipp Maintz (*1977) : Choralvorspiel LI. Hansjörg Albrecht, orgue de l’abbaye de Saint-Florian (Autriche). Mai 2020. Livret en allemand, anglais. TT 62’32. OEHMS Classics OC476
L’orgue accompagna Bruckner tout au long de sa vie, dès sa onzième année, à Hörsching. On le trouve déjà à la console de l’abbaye St. Florian en 1848 (où il sera inhumé) dont il fait élargir la disposition de 59 à 78 jeux, en 1873. Il officiera à Linz, Vienne, donnera des concerts à Notre-Dame de Paris et Nancy (1869), au Crystal Palace et au Royal Albert Hall de Londres (1871), en Suisse (1880). Bien avant de briller comme symphoniste, il se fit admirer comme improvisateur mais ne laissa qu’une poignée d’œuvres pour les tuyaux, brèves, dans le genre du Prélude, du Postlude, du Prélude, de la Fugue, – environ vingt-cinq minutes pour l’ensemble !
Frustrant, au point d’inciter les organistes à s’emparer du massif orchestral, adapté à leur instrument, ce que légitime le livret du CD : « non les connexions spirituelles ou musicales entre la production symphonique et l’orgue justifient d’entreprendre une tâche si imposante, mais simplement le plaisir qui résulte d’entendre ses œuvres les mieux connues (et d’autres moins) sous un nouvel aspect. Si nous pouvons obtenir de nouveaux regards et perspectives pour considérer l’original pour orchestre, alors tant mieux ».
À l’horizon du bicentenaire de 2024, le label prévoit ainsi une intégrale des symphonies, envisagée sur dix orgues représentatifs ! Quel séduisant et inédit projet ! Qu’il aurait été peut-être moins risqué d’aborder par un opus notoire, tel la Neuvième. Mais a priori le parcours sera chronologique, puisque voici cette « Nullte » répudiée par le compositeur et qui ne sera entendue intégralement qu’en 1924, à Klosterneuburg, soixante ans après sa gestation. Il semble ainsi que le parcours évince la symphonie en fa mineur WAB 99 (la « 00 »), que Rudolf Innig a gravée l’an dernier chez MDG, sur le Goll de la Marktkirche de Hanovre, couplée avec l’Ouverture en sol mineur dans sa propre transcription que nous retrouvons sur le présent disque. Elle date aussi du début des années 1860.
Outre sa brillante carrière de chef et concertiste, Hansjörg Albrecht est réputé pour ses nombreux enregistrements de transcriptions (Faust-Symphonie de Liszt, Wagner, Fantastique de Berlioz, Planets de Holst, Tableaux d’une Exposition de Moussorgski…) et l’on se réjouit que cette entreprise brucknérienne soit confiée à un musicien habitué à assurer le relais entre les partitions d’orchestre et les tuyaux. Il sait faire passer la rampe à cette Nullte transcrite par Edwin Horn, et qui connait ici son apparition dans la discographie. Sur cet emblématique orgue de St. Florian, connu pour sa suavité, épanouie dans une acoustique généreuse voire encombrante, l’intelligibilité n’est pas acquise d’emblée. Or le phrasé précis, délicat et ciselé, profite des tentures cossues du lieu (quels fonds !) sans surcharger la palette. Incorporant les anches là où il convient d’éclairer ou sanctifier, et veillant à une articulation nette. Les crescendos sont bien amenés, sans pompiérisme. Dardés sur les claviers qui se prêtent le mieux à la stratification des plans, les staccatos, les mordants agissent comme autant de balises qui font progresser le discours. Nécessaire mobilité sans laquelle le propos peut se gondoler, ou ployer sous sa masse. Rien à craindre ici : tant le relief d’ensemble que la mécanique, le résultat convainc. L’organiste allemand maîtrise les atouts et les pièges de la mythique console, et en optimise le potentiel. La mobilité de l’Allegro, finement engrené, la ferveur de l’Andante, les étranges postures belcantistes du Scherzo (ces roucoulades hérissées de menaçants rictus), tout cela nous est adéquatement communiqué. Les ressources de registration relancent efficacement les étapes du Finale, que Hansjörg Albrecht sait unifier et dramatiser. Au demeurant, pour cette symphonie d’étude qui se serait satisfait d’un plus modeste apparat, on a l’impression que l’instrument est un peu surdimensionné et opulent : on aurait préféré l’entendre dans les maillons du cycle qui justifient de recourir au « monstre sacré », et ce gaspillage (relatif) nous dissuade d’accorder une évaluation maximale.
En tout cas, on ne citera pas ces interprétations falotes ou boursouflées qui se sont cassé les dents sur le difficile exercice de faire sonner les transcriptions brucknériennes, et on mesure d’autant mieux la réussite de ce premier jalon, qui plaide pour la poursuite du projet. On nous annonce que chaque volet de cette intégrale intégrera une page contemporaine. Ici un choral de Philipp Maintz empruntant à deux Kyrie de Bruckner, dont celui de la Messe en fa mineur.
Son : 9 – Livret : 9 – Répertoire : 8 – Interprétation : 9
CD Orchesterlieder Volume 1
Par Laurent Bury, le vendredi 05 août 2016
Loin de nous la pensée de contester le mérite des vaillants chanteurs qui acceptent courageusement de déchiffrer des partitions qu’ils n’auront sans doute guère l’occasion d’interpréter à nouveau, passé le temps de l’enregistrement censé ressusciter une œuvre oubliée. Apprendre un rôle entier sans grand espoir de le (re)chanter un jour en scène ou en concert, c’est faire preuve d’une abnégation qui devrait faire oublier toutes les imperfections que peut comporter la prestation de ces artistes. Hélas, ces pionniers n’ont pas toujours la séduction vocale de leurs confrères plus réputés. Heureusement, il vient parfois un jour où les stars finissent par accepter de se pencher sur ce répertoire qui était, vingt ans auparavant, l’apanage des obscurs, des sans gloire. Le temps ayant accompli son ouvrage, Walter Braunfels bénéficie (en terres germanophones, du moins) d’un regain d’intérêt qui devrait permettre sa réinscription durable au répertoire des concerts et des salles de spectacle. Il serait sans doute grand temps qu’une salle française ose programmer Les Oiseaux, mais cela viendra peut-être.
En attendant, il faut saluer l’initiative du label Oehms Classics, qui a décidé d’enregistrer deux disques de Lieder avec orchestre de Braunfels. Et cette fois, en faisant appel à quelques-uns des meilleurs chanteurs du moment, notamment dans le domaine wagnérien. Et pour le second volume, à paraître à la rentrée, on nous annonce un trio féminin de haute volée : Genia Kühmeier, Camilla Nylund et Ricarda Merbeth. Les deux CD sont dirigés par Hansjörg Albrecht, qui n’est certes pas une star de la baguette, mais qui a le bon goût de se mettre au service de cette musique (on lui doit déjà un disque d’œuvres pour orchestre paru chez Oehms en 2012) et d’y entraîner avec dextérité la Staatskapelle Weimar. Le disque permet d’ailleurs largement d’apprécier les qualités de la phalange en question, puisqu’il inclut une œuvre hors-sujet au sens strict : le poème symphonique Don Juan, suite de sept variations sur le thème du « Fin ch’han dal vino » de Don Giovanni. Malgré son prétexte lyrique, pas de chant dans cette œuvre de plus d’une demi-heure. Et si l’on voulait chercher la petite bête, on pourrait même trouver que deux des plages chantées ne sont pas vraiment des Lieder avec orchestre, car il s’agit d’extraits du fameux opéra Les Oiseaux, créé en 1920 mais dont les premières esquisses remontent à 1913. Le numéro d’opus attribué à ces deux airs étant celui de l’opéra, il n’y a pas même lieu de supposer que le compositeur les aurait publiés séparément.
Mais qu’importe s’il y a légèrement tromperie sur la marchandise, puisque la marchandise est si belle ! Valentina Farcas est une soprano colorature aux aigus cristallins et à la virtuosité jamais prise en défaut par l’air du Rossignol, digne de sa contemporaine Zerbinette. A Klaus Florian Vogt revient l’air de qui conclut l’opéra, les adieux qu’adresse à la forêt le personnage principal, Hoffegut, le gentil rêveur idéaliste, alors que son camarade Ratefreund serait plutôt le « méchant » de l’histoire. L’actuel Parsifal de Bayreuth prête au personnage la clarté unique de son timbre et la pureté d’accents de son Lohengrin. La part du lion revient cependant à Michael Volle, l’un des meilleurs Sachs, l’un des meilleurs Hollandais d’aujourd’hui. Lui sont confiés deux poèmes de Hölderlin et un autre de Hermann Hesse, qui prirent une résonance particulière avec l’éclatement de la Première Guerre mondiale, durant laquelle Braunfels se convertit au catholicisme ; les trois mélodies furent d’ailleurs créées ensemble en décembre 1918. Le baryton-basse y déploie toutes les ressources de son art, avec une expressivité en tous points admirable. Ainsi servi, qui résisterait encore à Braunfels ?
« Hansjörg ALBRECHT dévoile dans chaque mesure, avec le Bach Chor et le Bach Collegium München, pourquoi cet opéra lui tient tellement à cœur. Les chœurs des prêtresses tissés si délicatement et interprétés d'une façon si touchante par les voix féminines du Bach Chor, peuvent être perçus comme un écho lointain des passions de J.S. BACH ».
Süddeutsche Zeitung, 20.02.2008
Miracle avec BACH
"Le miracle du Münchener Bach Chor se poursuit. Incroyable est la transformation accomplie en un an et demi parHansjörg Albrecht… Guidé par sa technique de direction d’orchestre très particulière, le Chœur interprète chaque nuance de l’œuvre en restant au plus près de la sémantique. (...) La plus grande impression reste : ALBRECHT."
Beate Kayser - Tageszeitung 7.04.2007
L’Oratorio de Noël – Hommage à la Musique
"... Sous la direction d’Albrecht chaque partie de chœur et chaque chorale gagnent leur propre importance, leur expression linguistique poussée à l’extrême. Cela conduit ainsi dans les 3 cantates du Nouvel An à une richesse et à une abondance d’expression qui procurent tout simplement le Bonheur. »
Klaus Kalchschmid - Süddeutsche Zeitung, 27.12.2007
"... Les spectateurs ont pu découvrir une Messe en Si dans une interprétation parfois osée. Le courage a un nom :Hansjörg Albrecht fait sortir le maximum de son Bach Chor avec sa main stricte et volontaire. Il demande à ses excellents chanteurs un pianissimo presque impossible à chanter qui s’enfuit dans l’irréel. Il sort les lignes des voix avec la plus grande clarté et il choisit toujours un tempo époustouflant… Grand respect devant ce chœur, qui est en mesure de garder ce tempo sans donner l’impression d’être « pressé » et grand respect toujours devant cette réalisation grandiose."
Passauer Neuer Presse, 22.07.2008